Pour qui? Pour quoi?


A peine arrivée, j'ai eu envie de rédiger et d'illustrer nos découvertes et notre nouvelle vie. Pour ceux que ça intéresse, mais aussi pour nous, des fois que nos mémoires nous jouent des tours.

samedi 11 février 2012

Du rififi dans les "shikumen"


Un nouveau quartier restauré,
vu depuis nos fenêtres
"Le shikumen est la maison standard de Shanghai construite en série après 1900. Tout de briques rose vêtus, avec une touche de gris et quelques linteaux dessinés et moulés, les shikumen - 石库门- littéralement "portail de pierre", ont généralement deux niveaux et une petite cour intérieure, avec un toit en forte pente et des lucarnes. Les shikumen s’ouvrent sur des lilong, des ruelles irriguant en arêtes de poisson les quartiers délimités, aux deux extrémités, par deux grandes avenues parallèles. On n’entre pas toujours facilement dans une lilong. Celles-ci sont souvent surveillées, au portail donnant sur l’avenue, par un gardien.

Avant 1994
Dans les shikumen, qu’on a cessé de construire depuis les années 1940 – époque à laquelle 80% de la population shanghaienne vivaient dans ce type d’habitat - on s’entasse à plusieurs familles, à plusieurs générations, beaucoup n’ayant souvent pas trouvé d’autre maison que la petite pièce sous les combles, l’ancienne cuisine ou la salle-à-manger, pour s’installer. Torrides en été, pendant le redoutable mois de juillet shanghaien qui succède à la "pluie de prunes", et glaciales en hiver - pas de chauffage au sud du Fleuve bleu, avait prescrit Mao - le shikumen n’est pas vraiment confortable, avec ses pauvres matériaux et ses pièces encombrées. Mais il demeure plein de charme, y compris pour les shanghaiens fortunés qui les achètent aujourd’hui et les rénovent à prix d’or.

Xintiandi
L’humanité est dans la ruelle, dans la lilong, havre de calme au cœur de la ville affairée. Les vieux jouent aux échecs, les vieilles épluchent les légumes – ou inversement ! On y cause, on y pose sa chaise, on y respire. On y est avec les autres qu’on connaît depuis toujours. Bien que plusieurs vieux quartiers aient été rasés ou entièrement réaménagés dans le style traditionnel – à l’instar de Xintiandi, le quartier du "Nouveau Monde" où existe d’ailleurs un musée sur les shikumen – Shanghai conserve encore quelques îlots où l’âme des lilong et des shikumen semble avoir capturé le temps."

Joueurs de mah-jong
Ça, c'est ce que le Consulat de France nous raconte.

Jianguo Lu. Le quartier en question se trouve
sur la gauche de la photo
Ce billet concerne un shikumen littéralement à nos pieds que nous voyons bien depuis chez nous, parce que, depuis la rue, on ne peut encore pas y pénétrer. Forcément, j'étais curieuse de savoir ce qu'était ce petit quartier. Et, franchement, je me réjouis de le voir terminé car le chemin pour aller acheter le journal et quelques bricoles au supermarché est un peu monotone avec ce gros chantier barricadé.

Impossible de voir ce qui se passe dedans
Et voici que le journal en parle... pas en bien, malheureusement. Encore une histoire de magouilles. Ce chantier, soutenu par le gouvernement, est  le plus grand shikumen loin à la ronde. Construit dans les années 30, ses 25 000 m2 ont été classé "historiques" par la municipalité en 1994. Les quelque 3 000 habitants (1 100 familles) et les commerces qui s'y trouvaient ont été transférés ailleurs pour, principalement, des raisons de salubrité :  pourriture, surpopulation.

Depuis derrière
Le projet de restauration et de redéveloppement du gouvernement a été mis en route en 2008 avec la promesse que toute la partie historique serait conservée. Maintenant que les travaux touchent à leur fin, que des commerces vont bientôt s'y installer, des voix s'élèvent. Des petits malins du quartier clament même que tous les bâtiments ont purement et simplement été démolis et reconstruits. Ils le disent tellement haut et fort qu'une équipe de TV locale s'est intéressée au quartier... pour découvrir qu'un parking souterrain et des ascenseurs ont été construits et que les bâtiments originaux ont été rasés et remplacés.  Un résident local commente : "Préserver n'est pas tout détruire et reconstruire." Bien dit ! "40 000 briques originales et bien d'autres matériaux ont été réutilisées. Les fenêtres, par contre, étaient trop pourries pour qu'on puisse les sauver", se défendent les autorités.


Je me demande si les portes qu'on voit sur les photos ci-dessous sont originales ou nouvelles. Elles ont l'air bien belles.




Dans l'article, je repère encore que ce quartier sera un centre commercial et de loisirs, comme Xintiandi. En fouillant un peu sur Internet, je vois que ce n'est pas exactement ce qu'on peut lire. Comparons : "Ce sera le premier hôtel construit sur un site historique vieux de 70 ans, selon le gouvernement du district de Xuhui. [...] Il y aura des appartements dans la partie est (40% de la totalité des bâtiments) et un hôtel de 80 à 100 suites dans la partie ouest, géré par une chaîne internationale. Une tour d'eau de 8 étages a été reconstruite.

Ce n'est pas photoshopé, mais bien
ce qu'on voit d'ici.

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